La saisie des immeubles par destination

On a tous entendu cette légende urbaine (et parfois même l’a-t-on vécue) d’un débiteur qui se serait cru très malin de visser au sol les meubles garnissant son local afin d’empêcher la saisie de ces derniers. Cette (mauvaise) idée venait du fait que la procédure de saisie-vente était réservée aux meubles alors qu’un meuble fixé au sol devient un immeuble par destination.
L’ordonnance du 15 octobre 2021 portant réforme du droit des sûretés est venue mettre un peu d’ordre là dedans…

Qu’est ce qu’un immeuble par destination ?

Les immeubles par destination sont des biens meubles par nature, mais qui sont considérés par la loi comme des immeubles en raison de leur destination, qui est d’être affectés à un immeuble par nature dont ils constituent l’accessoire. Il s’agit d’une application de la règle selon laquelle « l’accessoire suit le principal ».

Deux conditions sont nécessaires pour qu’un bien puisse être qualifié d’immeuble par destination.

D’abord, le bien doit appartenir au propriétaire de l’immeuble par nature. Autrement dit, la même personne doit être propriétaire de l’immeuble par nature et du bien meuble affecté à cet immeuble par nature dont il constitue l’accessoire.

Ensuite, le propriétaire de l’immeuble par nature doit avoir la volonté de créer un lien entre le bien meuble et le bien immeuble.

L’article 524 du Code civil relatif aux biens et aux différentes modifications de la propriété, liste ce qui peut être considéré comme immeuble par destination. Le législateur a notamment cité les animaux placés là par le propriétaire du fonds dans le même but (poules dans un poulailler, pigeons dans un pigeonnier, etc.), les objets placés par le propriétaire du fonds pour servir et développer le fonds (ruches à miel, outils agricoles, etc.). .) , pressoirs, cuves, etc.), et des meubles attachés en permanence au fonds par le propriétaire (cheminée, radiateurs…)

La saisie d’un immeuble par destination

L’ordonnance du 15 septembre 2021 a réformé notamment l’article 2334 du code civil. Cet article figure dans le chapitre II (du gage de meubles corporels) du 2e sous titre traitant des sûretés sur les meubles du titre II traitant des sûretés réelles.

Cet article est ainsi désormais rédigé :

Le gage peut avoir pour objet des meubles immobilisés par destination.
L’ordre de préférence entre le créancier hypothécaire et le créancier gagiste est déterminé conformément à l’article 2419.

Ainsi donc, et depuis l’entrée en vigueur de la réforme le 1er janvier 2022, entre dans le champ du gage mobilier les immeubles par destination qui peuvent désormais être saisis indépendamment de l’immeuble dont il dépend.

Jusqu’alors les immeubles par destination ne pouvaient être saisis indépendamment de l’immeuble sauf pour paiement de leur prix. C’était dans ce cadre là que l’huissier de Justice / commissaire de Justice pouvait procéder à la saisie d’un portail, d’une climatisation ou d’une pompe de piscine lorsque celle-ci n’avait pas été réglée.

Aujourd’hui, une seconde exception a été ajoutée à l’article L112-3 du code des procédures civiles d’exécution qui prévoit :

Les immeubles par destination ne peuvent être saisis indépendamment de l’immeuble, sauf pour paiement de leur prix ou pour la réalisation du gage dont ils sont grevés. Dans ce dernier cas, ils ne peuvent être saisis que si la séparation d’avec l’immeuble auquel ils ont été rattachés peut intervenir sans dommage pour les biens.

Cette réforme prévoit ainsi que les immeubles par destination peuvent donc être saisis sauf à ce que cette saisie n’endommage les biens. Par biens, il faut entendre évidement d’une part l’immeuble par destination mais aussi l’immeuble dont il dépend.

Qu’entend-on par « la réalisation du gage dont ils sont grevés » ?

Cette réalisation du gage dont ils sont grevés est à rapprocher du droit des sûretés et spécifiquement à l’article 2338 du Code civil qui dispose

Le gage est publié par une inscription sur un registre spécial

Les modalités de cette inscription sont fixées par les articles 1 à 3 du décret du 23 décembre 2006.

Le gage sans dépossession est publié à la requête du créancier, par une inscription sur un registre spécial tenu par le greffier du tribunal de commerce dans le ressort duquel le constituant est immatriculé ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation d’immatriculation, dans le ressort duquel est situé, selon le cas, son siège ou son domicile.

La particularité du gage sans dépossession  de droit commun tient à sa double publicité : au greffe du lieu de l’inscription et sur le fichier national électronique des gages sans dépossession tenu par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce.

Quelle procédure pour saisir un immeuble par destination ?

Rentrant dans le gage mobilier, les immeubles par destination retrouvent leur caractère mobilier et c’est donc par la procédure de saisie-vente qu’ils peuvent être saisis