L’épidémie COVID 19 est elle un cas de force majeure ?
L’épidémie de COVID-19 crée une période d’incertitude dans la vie des affaires : fermetures d’établissements, confinement, interdiction des regroupements, reports de délais… sont autant d’éléments qui ont pu perturber la réalisation d’obligations contractuelles. La partie défaillante pourra vouloir invoquer la force majeure en raison de la COVID 19 afin de se dédouaner de son inexécution.
La force majeure : que dit la loi ?
Selon l’article 1218 du code civil, créé par la réforme du droit des contrats de 2016 : « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ».
Avant la réforme de 2016, la force majeure était prévue par l’article 1148, et était définie par la réunion de trois éléments : l’imprévisibilité, l’irrésistibilité et l’extériorité.
Le nouvel article 1218 reprend ces conditions en exigeant, pour qu’il y ait force majeure, que l’événement en question « échappe au contrôle du débiteur», ne « pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat » et que ses effets ne puissent être évités «par des mesures appropriées».
Dès lors, l’épidémie de COVID-19 est elle un cas de force majeure ?
La jurisprudence existante en matière de maladie et d’épidémies semble plutôt répondre par la négative. Ainsi, le bacille de la peste (CA Paris, 25 septembre 1998, n° 1996/08159) , les épidémies de grippe H1N1 en 2009 (CA Besançon, 8 janvier 2014, n° 12/02291) , le virus du chikungunya (CA Basse-Terre, 17 décembre 2018, n° 17/00739) ou encore la dengue (CA Saint-Denis de la Réunion, 29 décembre 2009, n° 08/02114) n’ont pas été jugés comme des crises sanitaires constitutives d’événements de force majeure.
Toutefois, il est à noter que dans ces décisions, les juges ont rejeté la force majeure en arguant soit que les maladies étaient connues, de même que leurs risques de diffusion et leurs effets sur la santé, soit qu’elles n’étaient pas « assez mortelles ».
Une épidémie n’est donc pas nécessairement ni automatiquement un cas de force majeure.
Toutefois, l’épidémie de COVID 19 est un événement sans précédent car elle a fait l’objet tout d’abord d’une déclaration d’urgence sanitaire internationale par l’OMS qui ne l’avait jusque là déclaré que 5 fois.
Mais surtout, les mesures gouvernementales en réponse à la COVID-19 (comme les mesures de confinement, les fermetures de centaines de milliers de commerces, l’interdiction des rassemblements…) sont inédites, même au regard des pandémies précédentes.
D’ailleurs la Cour d’Appel de Colmar a retenu le 23 mars dernier la qualification de l’épidémie de COVID-19 comme cas de force majeure, emboîtant ainsi le pas à la Cour d’Appel de Bordeaux (19 mars 2020)
Si cette décision devait faire jurisprudence, il serait donc envisageable d’invoquer la force majeure liée à la pandémie, pour justifier de l’inexécution d’un contrat.
Toutefois, encore faut-il rester prudent car il nous faut rappeler que pour invoquer la force majeure, il est nécessaire de démontrer le lien qui existe entre l’événement et l’impossibilité d’exécuter.
Ainsi, par exemple un voyage d’entreprise qui devait se tenir avant le 13 mars (date de l’arrêté ayant interdit les rassemblements de plus de 100 personnes) ne semble pas pouvoir être annulé en invoquant la force majeure, même au regard du principe de précaution.
A l’inverse, l’inexécution d’un contrat conclu en toutes connaissances de cause (par exemple une location de maison conclue le 17 mai pour le pont de l’Ascension des 20 au 23 mai, à plus de 100 kilomètres de son domicile) ne pourra sans doute pas être exonérée d’exécution en invoquant la force majeure.
L’analyse des jurisprudences à venir nous le dira.
Toutefois, rappelons que l’article 1218 du code civil n’est pas d’ordre public et que les dispositions contractuelles peuvent limiter les cas de force majeure (clause limitative de force majeure) ou encore faire supporter des cas de force majeure à l’une partie (clause de garantie).